Au fil du destin

 

Entre art, design et savoir-faire, une création unique, inédite et participative autour d’une acquisition historique du Musée du château de Lunéville : le miroir de la duchesse Élisabeth Charlotte d’Orléans.

 

 

LA GENÈSE DU PROJET « AU FIL DU DESTIN »

Depuis 2017, à la suite de la cession par le Ministère de la Défense de son coeur historique, le Conseil Départemental de Meurthe-et-Moselle s’est engagé dans une phase de transition avec une restructuration importante de la programmation culturelle, patrimoniale et artistique du château de Lunéville et la mise en oeuvre d’une réflexion sur le devenir du site, dans une cohérence repensée. Une étude de pré-programmation, lancée au printemps 2018 et adoptée en janvier 2020, en partenariat avec les collectivités territoriales concernées, l’État et la Caisse des dépôts, a permis de déterminer le périmètre du nouveau projet du site, en adéquation avec des objectifs politiques de développement et d’attractivité, autour de la thématique de « l’excellence des métiers d’art ».

Afin d’amorcer cette orientation validée par le Département, l’ensemble des partenaires et confirmée lors du dernier comité de pilotage du 5 avril 2022, un double projet, répondant aux enjeux attendus, a été lancé par le château sur 2022-2023 : un appel à création « Au fil du destin » valorisant les arts textiles et s’inscrivant dans la nouvelle exposition du musée « Paraître. Beauté(s) en représentation XVIIIe-XXIe siècles », dialogue entre pièces historiques et œuvres contemporaines autour de la beauté et de l’image. Ce projet s’articule plus particulièrement autour du miroir de toilette de la duchesse de Lorraine Elisabeth-Charlotte d’Orléans (1676-1744), acheté à Paris en 1718, acquisition majeure du musée du château en 20211.

 

Du miroir d'Élisabeth-Charlotte...

La duchesse Élisabeth Charlotte d’Orléans a vécu au château de Lunéville et a contribué à sa métamorphose pour y introduire certains usages appris pendant sa jeunesse à Versailles. Son appartement débute ainsi par une antichambre dédiée à une cérémonie quotidienne : sa toilette publique. La mise en beauté matinale de la duchesse s’y déroule alors chaque matin sous le regard des courtisans, réunis autour de la souveraine assise devant son superbe miroir. C’est le témoin symbolique de cette représentation du pouvoir qui, aujourd’hui, retrouve les murs qui l’avaient abrité autrefois.

Inventorié parmi le mobilier de Lunéville en 1732, le miroir compte en effet parmi les très rares objets à l’origine parfaitement documentée. Ses courbes et la qualité de sa ciselure nous parlent d’une période de renouveau des arts du décor, ​annonciatrice des fantaisies du style Louis XV. Au sourire des figures « en espagnolette » répondent les fiers alérions et la couronne sommitale, sortis tout droit de l’héraldique officielle. Car la politique n’est jamais loin dans une civilisation de cour qui, de Versailles à Lunéville, élève l’art de paraître au rang d’instrument de pouvoir. Les recherches dans les archives ont montré qu’il était posé tous les matins sur une table modeste mais drapée d’une riche étoffe à fond de satin noir, rehaussée de broderies florales en or, en argent et en soie multicolore, le tout doublé d’un taffetas« couleur de rose ».

C’est cette étoffe d’apparat, cette « toilette » aujourd’hui disparue, qui fait l’objet de l’appel à création « Au fil du destin ». Spécialement conçue pour l’exposition 2023 du musée, cette création doit concrétiser aux yeux du public l’axe retenu pour le projet de développement culturel du château de Lunéville, à savoir l’excellence des métiers d’art, passerelle entre l’épanouissement de ces métiers et savoir-faire à la cour de Lorraine au XVIIIe siècle et leur évolution contemporaine.

 

A l'étoffe d'apparat...

Il s’agit d’une commande en synergie, collaborative, en plusieurs étapes et faisant appel à plusieurs partenaires.

  • Un designer de renom, Pierre-Marie AGIN, chargé de la conception artistique du modèle, sélectionné lors d’un appel à projet national porté par un jury ambitieux. 

  • Une réalisation collaborative, par des brodeurs professionnels (Maisons Aimard, Maison Vuillaume, La Cahute de Marine, le Conservatoire des Broderies François-Remy) et des élèves brodeurs en apprentissage (lycée Paul Lapie et GRETA), ancrés sur le Grand Est, mettant à l’honneur le design textile, dont la broderie, savoir-faire emblématique de la ville de Lunéville.

  • Enfin, le projet est l’occasion de faire appel à des entreprises spécialisées et labellisées « Entreprise Patrimoine Vivant » (EPV). Les fournitures choisies sont en priorité françaises, éthiques et de grande qualité et sont pensées avec l’ensemble des partenaires, le designer et l’équipe du château. 

Par son lien fort avec le miroir, cette création textile servira de support au récit du destin d’Elisabeth-Charlotte, entre la grandeur de la vie de cour et les méandres de son existence personnelle.Hommage au rêve de la duchesse de voir des orangers pousser en pleine terre dans son jardin, cette « toilette » d’apparat valorisera la permanence des gestes de la broderie perlée et pailletée, si intimement liée à l’histoire et à l’identité de Lunéville.

 

 

RETOUR SUR L'APEL À PROJET NATIONAL

Enjeux et ambitions

Cette création textile unique entre art et design dans le projet de développement du château de Lunéville orienté vers les métiers d’arts dans leur dimension d’excellence

Cette orientation permet de valoriser l’héritage du XVIIIe siècle, apogée du château de Lunéville, lieu de bouillonnement artistique pour et autour des derniers ducs de Lorraine. Le château de Lunéville, et en particulier les appartements des ducs de Lorraine, étaient comme une vitrine, un lieu d’exposition des arts de cour. Léopold 1er, son épouse Élisabeth-Charlotte et Stanislas Leszczynski y ont réuni le meilleur des arts décoratifs. C’est donc dans un esprit de continuité que se définirait le lien avec la création contemporaine

Le château, site du Conseil Départemental de Meurthe-et-Moselle, pourrait devenir, au-delà du site patrimonial remarquable qu’il est, un lieu de monstration des métiers d’art envisagés dans leur excellence, sans pour autant devenir une « cité des métiers d’art » et perdre son identité historique. Ambassadeur du territoire et atout d’attractivité touristique, il serait à la fois porteur de projets d’envergure valorisant les arts de cour du XVIIIe siècle en résonnance avec la création contemporaine, et un acteur partenaire et ressource inscrit dans un réseau régional, voire national.

Ce positionnement répond à plusieurs enjeux et ambitions :

  • Engager une dynamique de création artistique mettant en synergie tous les réseaux régionaux (artisans d’art, écoles des beaux-arts, chambre des métiers et de l’artisanat, lycées professionnels, associations locales…) dans un travail collaboratif avec des acteurs nationaux et internationaux.
  • Confirmer l’ancrage de ces métiers sur le territoire du Grand-Est, la transmission d’un patrimoine vivant, héréditaire et en mutation permanente.
  • Susciter des vocations, développer des partenariats avec des établissements d’enseignement et des structures de formation professionnelle.
  • Favoriser une appropriation par le public des métiers d’art dans toutes leurs dimensions et valoriser une exception française.
  • Participer à l’attractivité et au développement du Lunévillois et à sa reconnaissance internationale comme terre de création et destination touristique.
  • S’inscrire enfin et surtout dans un dialogue avec le projet scientifique et culturel du musée pour faire du château-musée de Lunéville, réaffirmé légitiment comme le « Versailles lorrain », un véritable manifeste des métiers de la main et du patrimoine immatériel français qu’ils représentent.

 

Cahier des charges 

En avril 2022, un appel à projet national a été lancé pour choisir l’artiste designer chargé de la conception artistique du modèle de cette future œuvre textile.

Les candidats devaient répondre au cahier des charges suivant :

« [...] L’étoffe brodée faisant l’objet de cet appel à projet devra recouvrir en totalité la table. La superficie, le volume et la géométrie définitives de cette création textile sont à définir par le candidat.

  1. La création contemporaine est au service du miroir, objet phare à mettre en valeur et qui doit rester entièrement visible pour les visiteurs.
  2. Cette création contemporaine doit mettre en avant le design textile et intégrer d’une manière ou d’une autre la broderie et le point de Lunéville.
  3. La production technique de l’œuvre sera réalisée par plusieurs brodeurs.
  4. L’étoffe d’apparat imaginée doit produire un effet spectaculaire, théâtral, mais respectueux de l’espace envisagé pour l’exposition finale.

Les profils d’artistes recherchés :

Cet appel à projet était ouvert à tout artiste professionnel francophone, relevant du champ des arts visuels, résidant en France ou dans un pays frontalier. La connaissance de l’art textile, de la broderie ou du « point de Lunéville » n’est pas requise, mais le candidat doit prendre en compte que sa création doit pouvoir être réalisée dans le domaine des arts textiles. [...] »

 

Membres du jury

Un jury ambitieux réuni le 11 mai 2022 a sélectionné, dans un premier temps, 5 candidats parmi les 29 dossiers de candidatures reçus. Ce jury était composé des membres suivants :

  • Alain Lardet, historien d’art, spécialiste du design, membre de la Fondation Bettencourt Schueller,
  • Chantal Granier, ancienne directrice artistique de Baccarat et d’Hermès Maison ; membre du Comité d’Experts du Prix Dialogues de la Fondation Bettencourt,
  • Martin Pietri, président de la Manufacture des émaux de Longwy, du groupement Haute Facture qui rassemble les manufactures françaises aux savoir-faire d’exception,
  • Louise Aimard, brodeuse main, fondatrice de la Maison Aimard à Longwy et directrice de production de l’appel à création « Au fil du destin »,
  • Sylvie Duval, vice-présidente du Conseil départemental de Meurthe-et-Moselle, déléguée à la Culture et à l’Enseignement supérieur,
  • Christophe de Lavenne, responsable métiers d’art pour la région Grand Est,
  • Claire Antony, chargée de mission enseignement supérieur et métiers d’art pour la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) Grand Est.

Accompagnés par Myriam Louelhi-Purino, directrice adjointe en charge de la Culture ; Lorraine Rivain, responsable du château de Lunéville et Thierry Franz, responsable du musée du château de Lunéville, Conseil départemental de Meurthe-et-Moselle

 

SÉLECTION ET LAURÉAT

Le 1er juillet 2022, les cinq candidats présélectionnés devaient présenter, sur site, leur projet de création devant le jury.

À l’issue du processus de sélection, Pierre-Marie Agin a été désigné lauréat de l’appel à projet.

 

Les collaborateurs du projet 

PIERRE-MARIE AGIN - LAURÉAT

Né le 21 avril 1982 à Nogent-sur-Marne, Pierre-Marie Agin est un artiste qui vit et travaille à Paris sous le pseudonyme de Pierre-Marie.

Dessinateur ornemaniste, son œuvre se caractérise par une approche globale, dans laquelle le motif prend vie et se déploie dans ses applications à l’objet et dans l’espace. Il ravive ainsi l’héritage des arts décoratifs. Son univers singulier se manifeste dans tous ses projets, tant à travers ses collaborations que dans des projets d’expositions personnelles. Son expertise du décor, de l’ornement et son sens de la couleur l’amènent régulièrement à travailler main dans la main avec des architectes et des artisans dans le cadre de leurs projets. Dans la tradition des arts décoratifs, il met aussi ses créations au service de certaines marques dont l’héritage est intimement lié au dessin.

Quel que soit le cadre, l’œuvre de Pierre-Marie composée de motifs, de couleurs, et de dessins se caractérise par son goût unique, sensible et contemporain, qui réinterprète et enchante les thèmes de l’imaginaire collectif. Il a notamment contribué à de nombreuses collaborations avec les grandes maisons françaises, telles qu’Hermès, Dyptique ou encore Cartier mais également avec de belles manufactures comme la Manufacture Robert Four à Aubusson ou les Emaux de Longwy. 

Interviendront dans la production :

 

LA MAISON AIMARD - LOUISE AIMARD

En charge de la direction de production, des échantillons et de certaines broderies et démonstrations, Louise Aimard, brodeuse main travaillant pour le luxe et l’ultra-luxe, sera plus particulièrement chargée de la broderie or. Toutes les applications de broderies seront posées dans son atelier ainsi que les motifs brodés sur le velours.

 

LES ÉLÈVES DU LYCÉE LAPIE DE LUNÉVILLE ET DU GRETA

Les élèves du Brevet des Métiers d’Art et CAP broderie du Lycée Paul-Lapie de Lunéville et des élèves du CAP Arts de la Broderie du GRETA Lorraine Centre.

 

LE CONSERVATOIRE DES BRODERIES DE LUNÉVILLE FRANÇOIS-RÉMY

Créé en 1998 par Maryvonne François-Remy au château de Lunéville pour mettre en valeur le patrimoine lunévillois, le Conservatoire des broderies de Lunéville François-Remy est garant du « Point de Lunéville » et de la « Broderie perlée et pailletée », techniques de broderie qu’il a fait inscrire au Répertoire National du Patrimoine Culturel Immatériel depuis 2019.

 

LA MAISON VUILLAUME

Maison de broderie à Diarville depuis 5 générations, la Maison Vuillaume est l’un des derniers ateliers de broderie indépendants qui se trouvent en France et également le seul en broderie main en région Grand Est. Les brodeuses travaillent pour les maisons de haute couture. Leurs compétences en crochet de Lunéville sont inégalées et réputées.

 

LA CAHUTE DE MARINE

Artisane en métiers d’art brodeuse (certifiée par la Chambre des Métiers et de l’Artisanat d’Indre-et-Loire), Marine Ferrand est couturière et brodeuse main, modéliste spécialisée dans le costume historique.

Elle travaille pour des maisons de haute couture comme Jean-Paul Gaultier. Dans le cadre de l’appel à création « Au fil du destin », elle intervient en 2023 dans la réalisation d’un patron permettant de traduire du papier au tissu l’assemblage et le format final du projet. La couture est également l’une des dernières étapes, ajoutant la doublure et protégeant ainsi le dos des broderies.

 

 

 

 

 

 

 

1 Une souscription est encore en cours en partenariat avec la Fondation du patrimoine et l’association « Les Amis du château et de son musée ». Plus d’information : https://www.fondation-patrimoine.org/les-projets/miroir-de-toilette-de-la-duchesse-elisabeth-charlotte-dorleans.